Noël 1975 au “5ème étage”
Collection personnelle Véronique Sanson
Collection personnelle Véronique Sanson
Entretien pour le groupe facebook Les années américaines
(publié ici pour en faciliter la lecture)
Laurent Calut, acceptez vous de répondre à quelques questions pour Les années américaines ?
Avec plaisir ! Mais je ne sais pas si je tiendrai le vouvoiement jusqu’au bout…
Comment êtes vous rentré dans la galaxie de Véronique ? Comment son univers est devenu le tien ?
Moi je voulais un autre chemin ;) Au-delà de sa musique, c’est le personnage tout entier qui m’a séduit. Ma sœur avait ses premiers 45 tours en 1972, j’ai craqué un peu plus tard, avec Cent fois et On m’attend là-bas qui passaient beaucoup en radio. Je suis allé la voir à l’Olympia pour la première fois en février 1976 [Je crois savoir que vous l’avez vue un an avant, j’en suis éternellement jaloux !], mais je ne l’ai vraiment rencontrée qu’à l’automne 1979, dans sa loge de l’Olympia. Sa secrétaire Katia nous a présentés. Je l’avais connue en commençant Harmonies.
Loge de l’Olympia, octobre 1979 © Christine Neveu
Pouvez-vous nous raconter la naissance d’Harmonies, le fanzine ?
En 1977, j’ai téléphoné aux parents de Véronique. Leur numéro était dans l’annuaire, il fallait tenter sa chance. Colette, sa maman, avait “le cœur en bandoulière” : sa “petite fille” habitait aux États-Unis. On était en plein dans les “années américaines”.
J’allais la voir régulièrement et un jour, elle m’a annoncé la naissance d’un fan-club. J’ai pris contact avec la fille qui venait d’avoir cette idée, Carole Lévy. On a fait un premier numéro de 4 pages ensemble et elle a disparu à l’étranger. J’ai continué l’aventure avec des magazines photocopiés au départ, puis imprimés par la maison de disque, jusqu’en 1985. J’avais toujours voulu être du côté de ceux qui délivraient les informations, j’avais l’impression que c’était quelque chose que je savais faire…
Parlez nous de Colette et René.
C’était des gens absolument incroyables. Les évoquer fait remonter beaucoup de souvenirs. J’aimerais tellement me dire que tout est comme avant, qu’on peut encore les appeler… Je regrette de ne pas avoir été plus présent dans les dernières années de leurs vies. C’est surtout Colette que je voyais. Je ne ratais pas un mot de nos échanges. Je me souviens avoir ressenti l’urgence de lui dire combien je l’aimais après le départ de son mari. Elle avait cette façon incroyable de dire les choses, avec les mots les plus justes possibles et toujours en glissant des expressions qui n’appartenaient qu’à elle.
© Archives Filipacchi
Aujourd’hui, ses filles ont l’âge qu’elle avait quand j’ai commencé à lui rendre visite et j’entends parfois comme un écho dans leurs voix. C’est également le cas avec Isabelle de Funès, qui a eu 70 ans l’année dernière, et dont la façon de parler aujourd’hui ma rappelle beaucoup celle de Colette. J’ai envie de dire que ces femmes magnifiques, avec des côtés qu’on apparente généralement plus facilement aux hommes, appartiennent à une époque qu’on voudrait voir durer toujours…
De René, je garde le souvenir d’un homme joyeux qui aimait les bons mots lui aussi. Les voir se vouvoyer après tant d’années de vie commune était quand même un truc totalement fou !
On a déjà beaucoup écrit sur le livre “Les années américaines”. Finalement qui en a pris l’initiative et comment s'est faite l’écriture à deux de cette épopée américaine ?
À l’origine, l’idée d’un livre est née en mai 2012 quand Violaine nous a appelés, Yann et moi, pour nous dire qu’elle avait retrouvé un sac de photos dans l’appartement des parents. Il y avait là des boites d’ektas dont celles prises à Hawaii en 1975. J’ai tout de suite visualisé un beau livre grand format sur papier mat, un peu à la façon de ces mooks (entre le magazine et le livre) qu’on trouve chez W H Smith rue de Rivoli, par exemple. Mais j’ai vite compris qu’aucun éditeur ne serait intéressé… On en a reparlé avec Violaine lors d’un dîner bien plus tard, en décidant d’ajouter au projet le fameux cahier d’écriture du Maudit que Véronique avait retrouvé entre temps. Violaine nous a formidablement aidé à tout concrétiser parce qu’elle y a tout de suite cru. Elle nous a obtenu un rendez-vous avec une éditrice chez Grasset (celle qui avait publié le livre de François Bernheim sur Guillaume Depardieu). Le rendez-vous s’est bien passé mais l’éditrice a été claire : l’ADN de Grasset, c’est le texte ! Le livre est donc devenu un “trois-en-un” : un tiers de photos, un tiers de fac-similés des cahiers de Véronique (outre le cahier orange, on avait également retrouvé le gros cahier vert qui commence avec l’écriture des textes de Vancouver) et un dernier tiers de texte. Il a fallu faire très vite puisqu’on voulait bien sûr que la sortie du livre coïncide avec les dates de l’Olympia qui venaient juste de se décider.
L’écriture à deux s’est faite très naturellement en fonction de nos loisirs et de nos envies. J’avais emprunté à Triel un cahier que Véronique avait dû commencer il y a très longtemps et qui ne lui servait plus, en me disant que ça influerait sur l’inspiration et que ça nous porterait chance… Lorsqu’elle a reçu les premières pages, Véronique a cherché à savoir qui avait écrit quoi, mais je ne suis pas certain qu’elle y soit parvenue…
Comment s’est fait le choix des photos ?
Avec Yann – et j’en profite une nouvelle fois pour dire que cette aventure a été un magnifique travail à deux – on a fait un premier choix, qu’on est allé soumettre à Véronique fin juillet. Outre les photos d’Hawaii 75, on voulait utiliser les photos d’octobre 1972 de Tori Lenze (retrouvées chez Véronique), mais aussi d’autres photos rares. Marc Kraftchik venait de croiser le photographe responsable des premiers clichés professionnels de Véronique tout juste signée chez WEA, Christian Rose, qui a rencontré Michel Berger dans un bureau de la maison de disque en décembre 1971 pour écouter le premier album avant de shooter Véronique.
© Christian Rose
On a contacté Ken Otter, ami de longue date de Véronique, qui nous a proposé une sélection parmi les quelques 200 photos qu’il a prises en 1976-77. On possédait déjà les rarissimes photos de Dominic Lamblin, qu’on voulait absolument publier (Steve Stills en studio avec Véronique et Michel Berger en octobre 1972, c’est quand même du lourd !). On voulait aussi vérifier si Daniel Decamps avait gardé sa série de la pochette du 45 tours How many lies (hélas, il nous a raconté avoir laissé la plupart de ses diapos chez WEA à l’époque). On a même contacté Antonin Kratochvil (auteur des photos de pochette du Live 76 et d’Hollywood) mais on n’a pas réussi à s’entendre. Enfin, on tenait à avoir des photos de Tony Frank. Lors d’un rendez-vous in extremis au mois d’août, il nous a apporté quelques ektas retrouvés peu de temps auparavant. Parmi elles, une photo qu’il pensait avoir perdue : celle de la salle de bains de Bel Air découverte en 1978 en tout petit format dans un Salut. Et pour finir, on a glissé quelques polaroïds trouvés à Triel. Le tout avec l’accord de Véronique bien sûr.
Collection personnelle Véronique Sanson
La bataille la plus difficile a concerné le choix de la photo de couverture. Avec Violaine, notre choix était fait dès le début. Restait à convaincre la principale intéressée… Au mois d’octobre à Triel, lors du tournage du documentaire de Mireille Dumas, on a demandé leur avis à tous ceux qui présents (maquilleuse, preneur de son, cameraman…). Le résultat a été sans appel, tout le monde aimait cette photo et pensait que c’était un bon choix de couverture ! Mireille s’est montrée très convaincante, y décrivant Véronique comme "rebelle, insolente, moderne… et surtout très jolie".
Comment s’est fait le choix des pages du cahier de Véronique ?
Là, ça a été plus simple, on a choisi les titres qui collaient avec le texte. On a tout de même fait figurer quelques lignes inédites (page 22) et le texte de Louise (page 77) écrit en 1976 – mais enregistré seulement en 1992. Le cahier dans lequel elle a composé Hollywood a été perdu (et même vraisemblablement volé) ; la feuille volante retrouvée scotchée dans le cahier vert (page 103) avec le texte de Grandes villes (J’ai perdu ton adresse) en faisait peut-être partie…
Dans l’émission On n’est pas couché, lorsque Laurent Ruquier mentionne à Véronique la phrase “J’ai vieilli d’au moins 10 ans en 7 mois” et qu’elle ne se souvient pas l’avoir dite, c’est assez compréhensible : il ne s’agit pas de quelque chose qu’elle a dit des années après mais d’une pensée écrite à l’époque sur son cahier de composition du Maudit – Elle s’en servait aussi parfois comme journal intime.
Comment s’est faite la maturation de ces années américaines depuis le mois de juin jusqu’à ces derniers jours ?
Véronique parle aujourd’hui d’un “alignement d’étoiles” et elle a raison ! Au moment où la tournée s’est décidée, son nouvel album n’était pas encore suffisamment avancé pour pouvoir en lancer la promotion avec celle de l’Olympia. L’idée de la placer sous la bannière étoilée des “années américaines” a été immédiatement adoptée. Véronique a continué à enregistrer ses nouvelles chansons en même temps que la relecture des épreuves du livre lui remettait en mémoire les titres de cette glorieuse période. Sa capacité à se remettre dans les doigts des chansons qu’elle n’avait pas chantées depuis des siècles et surtout à enchaîner les journées de répétitions avec le début de la promo m’a carrément épaté !
Avez-vous quelque chose à dire sur le prochain album ?
J’ai simplement hâte que tout le monde puisse l’écouter !
Comment avez-vous rencontré Yann Morvan ?
On s’est connu tout petits, on devait avoir 20 ans ! On peut trouver des textes qu’il a écrits dans les numéros du fanzine Harmonies. Il avait déjà un ton bien à lui, une façon très imagée de parler de Véronique. On est toujours restés en contact, mais j’ai découvert son travail sur l’intégrale Et voilà ! en même temps que tout le monde. L’intégrale, c’est vraiment son bébé.
Comment avez-vous rencontré Pat Plume ?
C’est encore une histoire du siècle dernier… C’est Colette Sanson qui me l’a présenté en 1978 lors de la projection du film de Fina Torres et Kanou Benattar, Véronique Sanson, De l’autre côté du rêve. Rien ne laissait présager alors qu’il deviendrait un jour Pat Plume !
Vous voulez dire que vous l’avez connu quand il était timide ?
Il n’avait pas encore rencontré quelqu’un qui enfin l’étonne (rires)
Merci Laurent !
On peut écouter Pat Plume ici
Magnifique entretien, merci beaucoup Laurent et Pat Plume.
RépondreSupprimerRichard F.
Merci à vous pour cette interview en forme de making-of qui vient éclairer la réalisation du livre, lequel est une réussite totale. Un grand bravo à vous, et à Yann Morvan !
RépondreSupprimerGilles C.
Laurent, est-il possible de vous adresser un message privé ? (je n'ai pas trouvé de lien sur ce blog pour celà, même en étant inscrit et connecté via Google Friend Connect). D'avance merci !
RépondreSupprimerGilles C.
Bonjour Gilles, oui bien sûr via facebook sur le compte Harmonies Véronique Sanson, via Google/YouTube (le compte est à mon nom) ou bien par mail : laurent@veronique-sanson.net
SupprimerMerci
Bel ouvrage d'une qualité que l'on retrouve trop rarement (jamais ?) chez les auteurs de l'hexagone. Du boulot "à l'américaine" ;-) Merci.
RépondreSupprimerMerci ! :-))
SupprimerUne bonne interview qui en dit davantage sur la conception de ce livre sur Véronique Sanson que l'on m'a offert et qui m'a beaucoup plu. Une véritable pépite pour les fans !
RépondreSupprimerTrès beau spectacle, ces années américaines. Peut-on en espérer une captation audio, voire vidéo, par exemple au Palais des Sports en octobre, pour une future sortie disque ou DVD?
RépondreSupprimerLa captation est bien prévue au Palais des Sports.
SupprimerTrès bonne nouvelle. J'espère qu'on aura droit au son et à l'image.
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